À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un jeune homme agonisant est ramassé par des soldats américains, sur une route allemande parsemée de cadavres. Surnommé Alex, il a tout oublié de l'enfer qu'il a traversé. Jusqu'à son propre nom. La seule identité qu'il lui reste, c'est un matricule tatoué sur l'avant-bras gauche. Auschwitz.

Soigné par des médecins militaires français, il réapprend à vivre et découvre l'amour. Lentement, reviennent les images de son passé : l'arrestation, la détention au camp de Gurs et sa déportation.

Au gré de son errance dans Paris, un nom frappe sa mémoire, celui d'une station de métro. La retrouver, c'est renouer les fils d'une mémoire occultée.

Connaissez-vous la station de métro Saint-Martin ? Non ! Normal, elle fait partie des stations fantômes de Paris. Celles qui ont été exploitées un temps avant d'être fermées au public.

 "Au moment de la Seconde Guerre mondiale, les ordres de mobilisation ont entraîné une pénurie de personnel. Il a donc fallu condamner bon nombre de stations : seules environ 80 sont restées ouvertes durant la guerre", explique Patrice Brugère, chargé de l'ingénierie culturelle et du patrimoine à la RATP. Située sur les lignes 8 et 9, entre Strasbourg-Saint-Denis et République, la station Saint-Martin a été rouverte à la Libération puis refermée, du fait de sa proximité (100 mètres) avec sa voisine Strasbourg-Saint-Denis. Mais découvrir ses quais fantômes n'est pas chose aisée... L'entrée se fait au pied du Théâtre de la Renaissance. Deux grosses portes en fer protègent désormais la station.

Une volée de marches plus tard, et voilà les couloirs agrémentés des classiques carrelages blancs. Ici, cependant, point de composteur automatique mais d'anciennes rampes de fer peintes en vert et datant des années 60. Drôle de sensation : dans ce lieu déserté, le bruit des métros qui passent résonne étrangement."La majorité des stations fantômes sont restées dans leur jus. Certaines ont cependant été aménagées pour accueillir des services techniques de la RATP", souligne Patrice Brugère. Saint-Martin est ainsi "hantée" par le service qui inspecte le patrimoine du métro. Mais dans sa partie est, elle abrite également un accueil de jour pour personnes sans abri, géré par l'Armée du salut.

Les stations fantômes ont aussi servi à la RATP pour tester des prototypes en tout genre. Ainsi, au bout de son couloir, Saint-Martin cache plusieurs publicités des années 50 réalisées en faïence. Ces céramiques en relief n'ont finalement jamais été commercialisées sur l'ensemble du réseau. L'une de ces publicités bien conservées célèbre des produits de la marque Maizena. Au centre du panneau, une soupière et une casserole dans laquelle mijote une sauce sortent littéralement du cadre. Une réclame en 3D avant l'heure !

Plus loin, deux autres pubs ont été dégradées par des tags. L'une d'elles, qui mettait en scène un super-héros du ménage, a même été attaquée au burin, décapitant le surhomme."Les intrusions dans notre réseau sont l'un de nos grands maux", soupire Jean-Michel Leblanc, responsable de la préservation du patrimoine de la RATP. Il suffit pour s'en convaincre d'emprunter l'immense escalier qui mène aux voies de la station fantôme. Tous les murs sont intégralement tagués, du sol au plafond.

Reste qu'avant de rejoindre les quais le responsable technique de la ligne 9 met en place la procédure de sécurité, qui consiste à signaler notre irruption sur le quai tout noir. A chaque passage, les conducteurs klaxonnent pour signaler leur arrivée tandis que les voyageurs nous regardent sans nous voir... On sursaute en entendant un énorme bruit d'éjection d'air, qui permet au métro d'évacuer les eaux tombées dans ses bas-fonds.

Actuellement, seule la guérite blanche, qui accueillait jadis le chef de station, trône encore au centre du quai. Pourtant, parfois, la coursive s'anime : en mai 2012, la station a été transformée pour mettre en scène l'univers de "Prometheus", film réalisé par Ridley Scott.

La station Saint-Martin, fermée depuis 1939,  a fait office de station fantôme, du 16 au 25 mai 2012, pour  donner un petit avant-goût de l’univers du film  " Promotheus " de Ridley Scott.

Ce type d’initiative avait déjà vu le jour fin 2007 dans le cadre de l’ exposition L’Enfer de la Bibliothèque, Éros au secret organisée par la BNF, qui avait fait revivre pendant quelques jours la station Croix-Rouge, également fermée depuis 1939.

Un petit aperçu de l’ambiance mise en place :