• L'Assemblée nationale a adopté la réforme des régions

    François Hollande considérera sans doute qu'il s'agit d'une bonne nouvelle.

    Les députés ont adopté le texte, par 277 voix pour, 253 contre et 33 abstentions, alors qu'à la première lecture, en juillet, ils l'avaient voté par 261 pour, 205 contre et 85 abstentions. Jamais, depuis le début du quinquennat de François Hollande, on n'avait compté autant de votes contre.

    Le projet de loi crée 13 grandes régions métropolitaines, au lieu de 22 actuellement, alors que le Sénat en proposait 15.

    Il fusionne l'Alsace avec la Lorraine et Champagne-Ardenne, le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, et Midi-Pyrénées avec Languedoc-Roussillon, trois fusions vivement contestées. Les autres regroupements sont moins polémiques: Poitou-Charentes avec Limousin et Aquitaine, les deux Normandie, Bourgogne et Franche-Comté, Rhône-Alpes avec Auvergne.

    Après une tentative de conciliation avec les sénateurs, jeudi, et une ultime navette, l'Assemblée devrait adopter définitivement le texte d'ici à la fin de l'année.

    Une réforme que le chef de l'Etat compte bien mettre à son actif pour montrer aux Français, mais aussi à la commission de Bruxelles, sa capacité à transformer le pays. Malheureusement, cette réforme repose sur une quadruple erreur. 

    1. Une erreur de diagnostic

    Le président de la République a voulu doter la France de "grandes" régions de "taille européenne". Le seul souci est... qu'elles l'étaient déjà. Les régions françaises étaient en effet, AVANT la réforme, les plus vastes de toute l'Union _ après leurs homologues espagnoles. La superficie de la Bourgogne était plus vaste que celle de la Belgique, pour ne prendre qu'un seul exemple. Bref, on s'attaque à un problème qui n'en était pas un.  

    Devant l'évidence, le gouvernement a changé son argumentation : les régions françaises, a-t-il fini par expliquer, manqueraient de population. C'est certes un peu moins faux (en réalité, elles se situent dans la moyenne), mais surtout, cela n'a aucune importance car il n'existe aucune corrélation entre la population d'un territoire et sa performance économique. Les cantons suisses comptent 300 000 habitants en moyenne ! L'Alsace, dernière pour la superficie et 13è pour la population, affiche le 3e PIB par habitant de France. A l'inverse, le Languedoc-Roussillon, 8è pour la superficie et 9è pour la population, se traîne à la 19è place pour le PIB/habitant. Et l'on pourrait multiplier les illustrations. 

    Résumons. Si les régions françaises ne font pas le poids vis-à-vis des Lander allemands, ce n'est ni par manque de superficie ni par manque de population, mais faute de compétences et de budgets.  

    Soyons honnêtes : ce volet-là va venir au Parlement dans un second temps, dans le cadre du projet de loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la République), qui permettra aux régions de récupérer des pouvoirs, notamment dans le domaine économique. Cette réforme-là ira donc dans le bon sens, mais elle risque de perdre de son efficacité en raison de la nouvelle carte des régions. Celle-ci, en effet, va absorber toutes les énergies pendant les deux à venir. Plutôt que de s'employer à se muscler, les présidents de région vont devoir déployer des trésors d'énergie à fusionner. Dommage. 

    2. Une erreur de méthode

    Quitte à modifier la carte des régions, il aurait fallu définir un objectif clair et s'y tenir. Par exemple, dessiner des collectivités autour des métropoles en agrégeant autour de Nantes, de Toulouse ou de Lille toutes les villes qui vivent dans leur orbite. Ou bien créer des régions identitaires, en partant du principe que des habitants partageant un sentiment d'appartenance définissent plus facilement des objectifs communs et acceptent plus volontiers des sacrifices pour y parvenir. On aurait alors pu revenir aux frontières historiques de la Bretagne et laisser l'Alsace seule. Dans les deux cas, il fallait s'affranchir des délimitations existantes, observer la France telle qu'elle est et non telle qu'elle a été découpée administrativement voilà plusieurs décennies, voire quelques siècles. 

    Las. Le gouvernement n'avait qu'un objectif : aller vite, car il lui fallait adopter la nouvelle carte un an avant les prochaines régionales, prévues en 2015. Il a donc choisi la méthode la plus paresseuse: opter pour le statu quo (Ile-de-France, Centre, Pays de la Loire...) ou regrouper les régions existantes entre elles, créant parfois des monstres sans cohérence. Existe-t-il des relations entre les Ardennes et le Bas-Rhin ? Evidemment pas. Entre les deux Sèvres et le Pays basque ? Non plus. Un ministre chargé du dossier le reconnaît : "on sait qu'on prend parfois une mauvaise décision, mais l'important, c'est de tenir les délais". On rêve... 

    3. Une erreur de mise en oeuvre

    Il existait une solution pour apporter un peu de souplesse à ce dispositif : permettre dans un second temps à des départements de changer de région, ce que l'on appelle le "droit d'option". Le Sénat, dans un premier temps, avait adopté un mécanisme souple en fixant deux conditions seulement à une éventuelle séparation : un vote à la majorité simple des élus du département concerné, d'une part, et de la région d'accueil, d'autre part. Logique. Mais les députés ont décidé de verrouiller le dispositif en fixant la barre beaucoup plus haut, exigeant une majorité des deux tiers. Et, pire encore, ils ont imposé l'accord de la région de... départ ! C'est un peu comme si le Tibet, pour recouvrer son indépendance, devait obtenir l'accord des deux tiers des Chinois. Autant dire que cet article restera lettre morte. Et que la nouvelle carte des régions, malgré ses défauts, est désormais figée.  

    4. Une erreur de stratégie

    Au départ, Hollande et Valls voulaient également supprimer les départements. Mais, en créant de (trop) grandes régions, ils ont donné des arguments à ceux qui plaidaient pour le maintien d'un échelon intermédiaire entre les intercommunalités et ces nouvelles collectivités. Résultat : non seulement la fusion des régions créera peu ou pas d'économies (il faudra toujours construire des lycées, financer les trains et organiser la formation professionnelle), mais on ne va pas supprimer les départements, ce qui, pour le coup, aurait permis de réduire drastiquement la dépense publique. Bravo les artistes !  

    Conclusion : la France aura certes sous peu une nouvelle carte des régions.

    Mais

    - elle ne servira à rien,

    - est bloquée pour longtemps

    - et va empêcher de réaliser des économies dans notre administration territoriale.  

    A la place de François Hollande, on ne s'en vanterait pas trop. 

    « Le temps n' est pas merveilleux ! Mais ... "Experiment Ensam" (Expérimenter seul) »

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