C'est certes le cas depuis plus de trois décennies et ce le sera encore, pour le dénouement de la centième édition en 2013, le dimanche 21 juillet. Il y a, en revanche, un point commun entre toutes les éditions de la Grande Boucle : à chaque fois – centralisme quand tu nous tiens –, les cyclistes lancés dans l'aventure auront toujours eu Paris pour destination finale. A l'inverse, les grands départs du Tour ont souvent fourni l'occasion à ce grand barnum de se délocaliser en province ou même à l'étranger.
De 1903 à 1967, le Tour de France s'achève d'abord au vélodrome du Parc des Princes, porte de Saint-Cloud. Cette ancienne enceinte dotée d'une piste cyclable, inaugurée en 1897 mais rénovée en 1932 pour passer de 20 000 à 45 000 places, appartient alors aux organisateurs de la course, Henri Desgrange et Victor Goddet, qui administrent aussi le quotidien sportif L'Auto. Aujourd'hui, les as de la bicyclette ont cédé la place aux stars du Paris Saint-Germain ...
Les exégètes du Tour auront toutefois raison de rappeler qu'à ses débuts en 1903, même si le peloton met définitivement pied à terre au Parc des Princes, le franchissement de la ligne d'arrivée officielle a eu lieu, un peu plus tôt, à quelques kilomètres de Paris. Le classement final se fige en effet dès Ville-d'Avray, dans l'actuel département des Hauts-de-Seine. "Les femmes brandissent leurs ombrelles et les hommes agitent leurs chapeaux. J'ai vu des spectateurs pleurer. La voilà bien, la belle émotion sportive", écrit à chaud Alphonse Steines, journaliste de L'Auto. Sur les 60 coureurs en lice, 21 seulement réussissent à arriver au bout.
En 1968, il y a du mieux, on dénombre 63 arrivants sur les 110 partants. Contraint d' abandonner le vélodrome du Parc des Princes, le Tour de France adopte à partir de cette année-là une solution de repli ! Jusqu'en 1974, chaque édition du raout cycliste se conclura alors à la Cipale. Autrement dit, au prix d'une célèbre aphérèse (suppression du début d'un mot) : à la piste (muni)cipale de Vincennes, située dans le bois du même nom, dans le 12e arrondissement de Paris.
Cette piste, dont les gradins ont été bâtis suivant les plans d'un certain Gustave Eiffel, servira d'écrin aux Jeus Olympiques de 1900 et 1924. A présent renommé vélodrome Jacques-Anquetil en hommage au champion normand, l'historique anneau de 500 mètres de long aura accueilli le Tour de France pendant toutes les années où Eddy Merckx, quintuple maillot jaune entre 1969 et 1974, régnait sur la course en maître incontesté.
Dans un supplément du quotidien belge Le Soir, le "Cannibale" évoque le sacre de 1969, année de son baptême du feu sur les routes du Tour de France : "C'était un rêve de gosse. Petit, je jouais à Gaul, à Bobet [anciens champions cyclistes]. Quand je me suis retrouvé à la Cipale devant 30 000 personnes qui scandaient mon nom, j'ai eu la chair de poule et les larmes aux yeux", explique l'idole de la Belgique.
Ce n'est que depuis 1975 que le dénouement du Tour de France se dispute sur les Champs-Elysées, dans un décor on ne peut plus prestigieux, pour le plus grand plaisir des photographes et des sponsors. A l'origine de ce projet chic et choc, outre le codirecteur du Tour Félix Lévitan, le présentateur vedette de TF1 Yves Mourousi suggère l'organisation d'une grande manifestation populaire sur les Champs lors d'une rencontre fortuite avec Valéry Giscard d' Estaiang, fraîchement élu président de la République, qu'il croise fin 1974 au Salon du cheval de Paris.
Sitôt l'aval de VGE obtenu, Yves Mourousi dévoile son idée au patron du Tour de France. Même s'il lui faut alors modifier le parcours initialement prévu pour l'édition 1975, Jacques Goddet, fils de Victor, donne son accord d'autant plus facilement qu'il avait lui-même envisagé un tel projet dès "l'immédiat après-guerre", raconte le journaliste Patrick Chêne, un proche de Mourousi, dans le livre A mon Tour ! (1998).
Un peu comme s'il s'agissait d'un circuit de Formule 1, les coureurs ont donc aujourd'hui l'honneur de parachever le Tour de France en effectuant plusieurs fois le même trajet d'environ 6 kilomètres sur "la plus belle avenue du monde", comme se plaisent à le scander les commentateurs : passage devant le Petit Palais, le rond-point des Champs-Elysées, l'arc de Triomphe... Un régal à filmer pour les télévisions du monde entier.En cette année 2013, histoire de marquer le coup pour la centième édition, l'étape de clôture partira du parc du château de Versailles, dans les Yvelines, et finira en beauté avec dix traversées des Champs-Elysées.