"Vous devriez avoir honte !"

La séance houleuse à l'Assemblée mardi a provoqué des réactions outrées de Français et un rappel à l'ordre de Claude Bartolone, de nombreux députés admettant un moment "indigne", mais, mis en accusation, certains à droite ont rejeté la faute sur Manuel Valls. Après cette séance de questions au gouvernement presque entièrement consacrée aux attentats et marquée par une succession de huées et de vociférations, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone (PS), a procédé mercredi à un rappel à l'ordre "très solennel" et "pour la République" à tous les présidents de groupes politiques.

Sur la page Facebook de la Chambre basse, les commentaires outrés ont déferlé, certains pointant un "spectacle pitoyable" de la représentation nationale. "Nous ne vous avons pas élus pour ça", pouvait-on ainsi lire. "Quand la planète entière se serre les coudes et se tient debout dans un élan de solidarité qui n'a jamais été aussi fort, vous ne pensez tous qu'à vos intérêts personnels et vos carrières. Vous faites honte à la France", s'est offusqué un internaute.

Après le congrès de Versailles de lundi, où députés et sénateurs avaient ovationné debout le président François Hollande et chanté la Marseillaise, le changement de tonalité a été brutal lors de cette séance diffusée en direct à la télévision. Un député Les Républicains a notamment interrompu le Premier ministre d'un bruyant "c'est bien trop tard" sur la réponse gouvernementale aux attentats et Christiane Taubira a été huée avant même de prendre la parole.

"Un climat de campagne électorale"

À gauche, plusieurs députés PS s'étaient aussitôt indignés, disant sur Twitter leur écoeurement ou leur "honte" face à une séance "assez minable". À droite aussi, des élus avaient noté, comme Franck Riester (LR), que cette séance n'avait "vraiment pas grandi" l'Assemblée et que les élus devaient "beaucoup mieux aux Français".

Claude Bartolone, revenu au perchoir après s'être mis en retrait pour sa campagne en Ile-de-France, suspendue depuis les attentats, s'est dit "surpris" de cette séance, durant laquelle il a tenté plusieurs fois de calmer le jeu. "Il y avait peut-être plus un climat de campagne électorale à l'Assemblée (...) qu'une volonté de garder cette unité nationale qui est indispensable", a-t-il noté alors que trois têtes de liste aux régionales, Laurent Wauquiez, Christian Estrosi et Valérie Pécresse, figuraient parmi les orateurs des Républicains. Lors d'une réunion avec les présidents de groupe dans la matinée, tous ont convenu que la séance avait donné "une image désastreuse", selon une source parlementaire.

"La séance n'était pas au niveau, je le reconnais", a admis sur France 3 le patron des députés LR Christian Jacob, qui a convoqué son groupe dans la matinée. Mais, dans la salle des Quatre Colonnes où les élus rencontrent la presse, plusieurs députés LR ont surtout dit leur colère envers Manuel Valls, qui a notamment rappelé les suppressions de poste dans la police et la gendarmerie sous Nicolas Sarkozy. "Il faut que Manuel Valls cesse d'électriser" l'Assemblée, a lancé Christian Jacob. À l'inverse, plusieurs à gauche ont trouvé "pas étrangère à la tonalité des débats" la présence de Nicolas Sarkozy mardi matin devant les députés de son parti.

"Pathétiques des deux côtés"

Certains élus LR, comme Dominique Bussereau, ont dit à la presse avoir "mal vécu" la séquence, avoir reçu beaucoup de messages critiques rejetant un tel "mauvais spectacle" alors que "les Français sont soudés", à l'instar de Xavier Bertrand. "Pathétique des deux côtés", a tranché un ténor LR. "La tonalité du Premier ministre et notre comportement étaient loin d'être extraordinaires", a renchéri Benoist Apparu (LR). "Je me mets un peu à la place d'un père qui a perdu une fille ou un fils au Bataclan..."

Claude Bartolone, qui a évoqué un "oral de rattrapage" mercredi après-midi, a ouvert la séance par un hommage aux forces de l'ordre, salué par une ovation debout unanime.