A la fin du XVIIIe siècle, le développement des sociétés de tir en Europe centrale est à l’origine d’une pratique étonnante : le tir sur tableau. Fondée en 1786, la société de tir de Zagreb rassemble des citoyens distingués, aristocrates ou marchands, qui se retrouvent au cours de réunions mensuelles et de concours de tir. L’attraction et le divertissement sont les objectifs principaux de ces évènements, qui ont lieu en plein air, du printemps à l’automne, où se mêlent danses, bals, fêtes populaires, lectures et autres jeux.

De nombreuses cibles témoignent de l’existence de cette tradition. Soit destinés à être choisis par les vainqueurs des concours de tirs, soit commandés pour être attribués aux meilleurs tireurs, ces tableaux cibles ont une portée essentiellement commémorative : en atteste l’impact d’une quinzaine de balles sur chacune d’entre elles ainsi que l’inscription à même l’image du nom du tireur et de l’année du concours. Au-delà de la simple performance de cette forme d’expression populaire, les tableaux ont une véritable portée subversive, comme en témoigne la variété de leurs thèmes : scènes mythologiques, allégoriques ou comiques, armoiries, animaux ou paysages. Mais surtout, les tableaux montrent que tout peut devenir cible : le roi, les dieux, les monuments, le temple et même le globe terrestre.

Cible d'honneur de Carl Castenauer, 1672, diamètre 101 cm, Tittmoning, Heimathaus Rupertiwinkel.