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    I
    Du fer, du feu, du sang ! C’est Elle ! C’est la Guerre !
    Debout, le bras levé, superbe en sa colère,
    Animant le combat d’un geste souverain.
    Aux éclats de sa voix s’ébranlent les armées;
    Autour d’elle traçant des lignes enflammées,
    Les canons ont ouvert leurs entrailles d’airain
    Partout chars, cavaliers, chevaux, masse mouvante !
    En ce flux et reflux, sur cette mer vivante,
    À son appel ardent l’Épouvante s’abat.
    Sous sa main qui frémit, en ses desseins féroces,
    Pour aider et fournir aux massacres atroces
    Toute matière est arme, et tout homme soldat.

    Puis, quand elle a repu ses yeux et ses oreilles
    De spectacles navrants, de rumeurs sans pareilles,
    Quand un peuple agonise en son tombeau couché,
    Pâle sous ses lauriers, l’âme d’orgueil remplie,
    Devant l’œuvre achevée et la tache accomplie
    Triomphante elle crie à la Mort: bien fauché !

    Oui, bien fauché ! vraiment la récolte est superbe;
    Pas un sillon qui n’ait des cadavres pour gerbe.
    Les plus beaux, les plus forts sont les premiers frappés.
    Sur son sein dévasté qui saigne et qui frissonne
    L’Humanité, semblable au champ que l’on moissonne,
    Contemple avec douleur tous ces épis coupés.

    Hélas ! au gré du vent et sous sa douce haleine
    Ils ondulaient au loin, des coteaux à la plaine,
    Sur la tige encor verte attendant leur saison.
    Le soleil leur versait ses rayons magnifiques;
    Riches de leur trésor, sous les cieux pacifiques,
    Ils auraient pu mûrir pour une autre moisson.

    II

    Si vivre c’est lutter, à l’humaine énergie
    Pourquoi n’ouvrir jamais qu’une arène rougie ?
    Pour un prix moins sanglant que les morts que voilà
    L’homme ne pourrait-il concourir et combattre ?
    Manque-t-il d’ennemis qu’il serait beau d’abattre ?
    Le malheureux ! il cherche, et la Misère est là !
    Qu’il lui crie: À nous deux ! et que sa main virile
    S’acharne sans merci contre ce flanc stérile
    Qu’il s’agit avant tout d’atteindre et de percer.
    À leur tour, le front haut, l’lgnorance et le Vice,
    L’un sur l’autre appuyé, l’attendent dans la lice;
    Qu’il y descende donc, et pour les terrasser.

    À la lutte entraînez les nations entières.
    Délivrance partout ! effaçant les frontières,
    Unissez vos élans et tendez-vous la main.
    Dans les rangs ennemis et vers un but unique,
    Pour faire avec succès sa trouée héroïque,
    Certes, ce n’est pas trop de tout l’effort humain.

    L’heure semblait propice, et le penseur candide
    Croyait, dans le lointain d’une aurore splendide,
    Voir de la Paix déjà poindre le front tremblant.
    On respirait. Soudain, la trompette à la bouche,
    Guerre, tu reparais, plus âpre, plus farouche,
    Écrasant le Progrès sous ton talon sanglant.

    C’est à qui le premier, aveuglé de furie,
    Se précipitera vers l’immense tuerie.
    À mort ! point de quartier ! l’emporter ou périr !
    Cet inconnu qui vient des champs ou de la forge
    Est un frère; il fallait l’embrasser on l’égorge.
    Quoi ! lever pour frapper des bras faits pour s’ouvrir !

    Les hameaux, les cités s’écroulent dans les flammes.
    Les pierres ont souffert, mais que dire des âmes ?
    Près des pères les fils gisent inanimés.
    Le Deuil sombre est assis devant les foyers vides,
    Car ces monceaux de morts inertes et livides
    Essaient des cœurs aimants et des êtres aimés.

    Affaiblis et ployant sous la tâche infinie
    Recommence, Travail ! rallume-toi, Génie !
    Le fruit de vos labeurs est broyé, dispersé.
    Mais quoi ! tous ces trésors ne formaient qu’un domaine:
    C’était le bien commun de la famille humaine.
    Se ruiner soi-même, ah ! c’est être insensé !

    Guerre, au seul souvenir des maux que tu déchaînes,
    Fermente au fond des cœurs le vieux levain des haines;
    Dans le limon laissé par tes flots ravageurs
    Des germes sont semés de rancune et de rage,
    Et le vaincu n’a plus, dévorant son outrage,
    Qu’un désir, qu’un espoir: enfanter des vengeurs.

    Ainsi le genre humain, à force de revanches,
    Arbre découronné, verra mourir ses branches.
    Adieu, printemps futurs ! adieu, soleils nouveaux !
    En ce tronc mutilé la sève est impossible.
    Plus d’ombre, plus de fleurs, et ta hache inflexible,
    Pour mieux frapper les fruits, a tranché les rameaux.

    III

    Non, ce n’est point à nous, penseur et chantre austère,
    De nier les grandeurs de la mort volontaire.
    D’un élan généreux il est beau d’y courir.
    Philosophes, savants, explorateurs, apôtres,
    Soldats de l’Idéal, ces héros sont les nôtres;
    Guerre, ils sauront sans toi trouver pour qui mourir.
    Mais à ce fer brutal qui frappe et qui mutile,
    Aux exploits destructeurs, au trépas inutile,
    Ferme dans mon horreur, toujours je dirai: Non !
    O vous que l’Art enivre ou quelque noble envie,
    Qui, débordant d’amour, fleurissez pour la vie,
    On ose vous jeter en pâture au canon !

    Liberté, Droit, Justice, affaire de mitraille !
    Pour un lambeau d’État, pour un pan de muraille,
    Sans pitié, sans remords, un peuple est massacré.
    Mais il est innocent !- Qu’importe? On l’extermine.
    Pourtant la vie humaine est de source divine;
    n’y touchez pas; arrière ! un homme, c’est sacré !

    Sous des vapeurs de poudre et de sang quand les astres
    Palissent indignés, parmi tant de désastres,
    Moi-même à la fureur me laissant emporter,
    Je ne distingue plus les bourreaux des victimes;
    Mon âme se soulève, et devant de tels crimes
    Je voudrais être foudre et pouvoir éclater.

    Du moins, te poursuivant jusqu’en pleine victoire,
    À travers tes lauriers, dans les bras de l’Histoire
    Qui, séduite, pourrait t’absoudre et te sacrer,
    O Guerre, Guerre impie, assassin qu’on encense,
    Je resterai, navrée et dans mon impuissance,
    Bouche pour te maudire et cœur pour t’exécrer.

    Paris, 8 février 1871

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    Louise Ackermann, Poésies Philosophiques ( A la mémoire de son neveu, le Lieutenant Victor Fabrègue, tué à Gravelotte )

     

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  • Commentaires

    1
    mireille du sablon
    Jeudi 8 Mai 2014 à 08:55

    Que dire après tous ces mots?

    Sachons ne pas oublier !

    Bises du jour de Mireille du Sablon

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    2
    Jeudi 8 Mai 2014 à 09:19

    Ceux qui réclame le travail de mémoire savent très bien que l'humain ne sait pas tirer la raison dans l'histoire, il ne cherche que l'excuse de ses haines, toutes ces tueries ne devraient plus être fêtées, si on trouve un seul jour dans l'histoire de l'humanité ou aucun humain n'a périt par la main d'un autre humain, si il existe une seule journée comme ça c'est cette journée qui doit être fêtée comme fête du souvenir

    amicalement

    Claude

    3
    Jeudi 8 Mai 2014 à 10:24

    Bonjour Annick, merci pour ce merveilleux poème écrit en 1871... Il est toujours d'actualité puisque la guerre continue dans divers pays sur notre terre... Bon jeudi, gros bisous

    4
    Jeudi 8 Mai 2014 à 11:28

    Les hommes persistent à s'entre tuer alors un monde sans souffrance n' existera jamais ! . Bonne journée du souvenir à toi chére Annick . Je rentre de la plage ou beaucoup de surfeurs n'arrivent pas à rester sur l' eau mais profitent du beau temps ! . Bisous , Christiane

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