• Le Gouda qui voulait se faire plus fort que le Camembert par Mamiehiou

    Une découverte toute en saveurs ...

    Le Gouda qui voulait se faire plus fort que le Camembert par Mamiehiou

    En une crèmerie fuie par les allergiques,
    Dépourvus, s'il en est, de vigueur lactasique,
    Fleuraient bon deux fromages
    Qui détestaient passionnément leur voisinage.

    Chacun vantait ses dons, et se gaussait de l'autre
    Croyant qu'il avait seul l'apanage du goût.
    L'un s'étend et se vautre
    Et le second s'enfle debout.

    « Ah ! Monseigneur, vraiment, vous prenez bien vos aises ;
    Je vous vois là tout mou et tout écafoiré (1) ;
    De la tenue, que diable ! »
    L'autre de répliquer,
    Se sentant peu coupable :

    — Je ne puis me tenir, n'ayant pas une chaise ;
    Laissez-moi donc en paix, prétentieux Gouda
    Qui ne fûtes ici jamais le chef d'état.

    — Vous coulez et coulez et vous éparpillez
    Sans jamais respecter
    Le nez de vos voisins,
    Reprit du tac au tac le Hollande chagrin,
    Le Petit Suisse fuit, le Bleu perd sa couleur,
    Le Maroilles lui-même y gâche son humeur,
    Et son parfum subtil, et sa fine saveur
    Que les Chtis ont vantés avec tant de bonheur ;
    La Vache qui Riait a perdu son entrain ;
    Et moi-même, j'avoue, qui étais boute-en-train
    Avec mon habit rouge et ma peau satinée,
    Me voilà tout à coup la mine consternée.

    — Tu veux faire la loi, coquin, en mon pays ?
    Franchis donc la frontière et ne viens plus ici !
    S'exaspéra soudain le Normand fait à coeur
    Qui voulut clore ainsi le bec du chamailleur. »

    On entendait leurs cris à deux lieues à la ronde.

    Adonc, on vit frémir la mine rubiconde
    De l'agresseur ravi d'être aller un peu loin.
    Il réfléchit alors et réclama soudain
    L'aide de cestuy-là (2) qui venait d'Angleterre
    (Jadis adversaire insulaire) ;
    Sir Cheddar se leva, les tranches bien léchées,
    Qu'on eût mises au pas dans des miches tranchées ;
    Feta, toute blanche apeurée,
    Crut sa dernière heure arrivée ;
    Parmesan s'épandit en poudre polissonne ;
    Jamais on n'aurait cru que l'attaquant canonne !
    Le fracas, la fumée, même une odeur de pet
    Emplirent aussitôt l'air que l'on respirait.

    On entendit alors, pour le rassemblement,
    Une voix de Stentor, claironnant à tous vents :
    « La guerre est déclarée ! »
    L'allié de Camembert, une aide inespérée,
    Celui même boosté par le penicillium (4),
    Se déclara conjointement Dux Bellorum (5).

    Il fut ovationné par la gent fromagère
    Qui, du nouveau champion, montra qu'elle était fière.

    « Compagnon d'armes ! Fine fleur de mon armée !
    Ripaille nous ferons, la racaille écrasée,
    Déclara Camembert au renfort va-t-en guerre.
    Ainsi fait, tu ne peux que plaire !
    Sois donc prêt à marcher avec moi d'un seul pas,
    La soldatesque nous suivra. »

    Forts de vouloir laver l'outrage,
    Ils portent haut, tous ces fromages
    Qui sont les meilleurs sans conteste ;
    Ils sont bien quatre cents que les gourmets attestent.

    — Dis, n'es-tu pas le préféré des Amerloques ?
    — Je le suis, mon ami, sans aucune équivoque,
    Nous pourrions, je crois, sans bien nous déjuger
    Leur demander de nous aider.
    Et me voilà, si tu le veux, prêt à férir.
    Ma devise est : Lait de brebis ne sait mentir !
    Ainsi donc, crions tous : Sus aux envahisseurs !
    Du "Fait en France" en ce pays, sauvons l'honneur !

    Qui fût en cet instant dans ce lieu survenu,
    N'eût rien compris à la bataille,
    Et, tout éclaboussé des coups de la piétaille,
    Ne serait jamais revenu.

    --

    (1)- écafoiré : en gaga (parler stéphanois) et en lyonnais – Écraser, réduire en bouillie. Ex. Des oeufs écafoirés : des oeufs sur le plat dont le jaune s'est répandu. Cf. Dictionnaire étymologique du patois lyonnais.
    On retrouve écafoiré dans « Le vocabulaire gaga - Les gagas »

    (2)- cestuy : celui (ancien mot).
    Ex. chez Joachim du Bellay (1522-1560) dans son poème « Heureux qui comme Ulysse » (Les Regrets)
    « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme cestuy-là qui conquit la toison... »

    (3)-  Penicillium roqueforti : champignon dont on ensemence le lait de brebis pour faire le Roquefort.

    (4)- Dux bellorum : Chef de guerre (latin)

    Source : http://mamiehiou.over-blog.com/article-_accueil_-110264108.html

    Présentation de son blog :

    • : LE BLOG DE MAMIEHIOU - La langue française telle qu'on l'aime  De la grammaire, des exercices divers, des dictées commentées, des histoires, des textes d'auteurs, des infos pratiques...
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    Je vous encourage à y aller, car même si ne connais pas son auteur, cela vaut le détour !

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 26 Novembre 2014 à 21:59

    Merci de m'avoir fait connaitre ce blog, je me suis inscrite à son blog

    Il pleut à Bruxelles 

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